Bienvenue à Taron

Jean Guiraut
Jean Guiraut

De temps immémoriaux, c’était un village de bocage (comme la plupart des villages béarnais) où les plus grandes parcelles n’excédaient guère l’hectare. Les agriculteurs-entrepreneurs étaient fort rares (au-delà de 20 hectares une propriété était considérée comme grande) et les paysans, nous bien sûr, pratiquaient une polyculture de subsistance : blé, maïs (rien à voir avec les hybrides actuels), pomme de terre, vigne, jardins horticoles ; nous étions des éleveurs- nés avec petit élevage artisanal: volaille, lapins, porcins, ovins, bovins…

Les temps étaient durs pour le plus grand nombre. Par exemple, certains, les plus désargentés ou les moins gourmets, ne gardaient, ni les jambons issus de la pélère, ni les foies des oies grasses. (Alors, les canards ne tenaient pas le haut du pavé, même pas le haut  de la mare.) Jambons et foies étaient vendus, soit à des particuliers un peu plus aisés, soit sur les marchés de gras, Aire sur l’Adour notamment. On n’avait pas besoin de label, c’était du fameux par essence.

La vigne bénéficiait d’une attention toute particulière, l’eau était bannie de partout sauf de la garbure …., et donnait aussi un breuvage détonant, « l’aigo de vito* » qui était la panacée de nos chers villages : pousse-café, pousse-misère, désinfectant quand la faux avait été trop tranchante et même vermifuge pour les veaux. Peu d’hommes avaient des « vers » !

*-le cépage noah fut interdit car son marc déliriumtremensait nos vieux, aux dires des mauvaises langues et des prohibitionnistes

La révolution et/ ou évolution technologiques, à partir des années 60, transforment radicalement la vie, le paysage et aussi peu à peu les mentalités. Plus de meuglements et de sonnailles dans chaque fermette, plus de roucoulements de pigeons, plus de piaillements de pintades, plus de jars poursuivant les intrus, plus de «   pouricou ! pouricou ! »,  plus  de «  saïy ! saïy ! saïy ! » (à l’intonation chacun  savait qui était hélé), plus de chant du coq, plus de pélère, de battère, d’ajude, de moundjétade.  ( le plus ici ne voulant pas dire davantage). Mais, nous avons gagné plus de loisirs . . .

C’est maintenant un territoire agricole notamment consacré à la culture des céréales, essentiellement le maïs, et aux prairies sur les reliefs collinaires plutôt mouvementés.

Les petites propriétés disparaissent inexorablement, rentabilité et survie obligent. Le corollaire est l’augmentation de la superficie de celles qui perdurent.

L’élevage bovin, pratiqué dans toutes les fermes il y a encore peu, régresse régulièrement : marchés incertains, travail trop astreignant pour une population tentée par les loisirs dominicaux ? Il n’existe plus qu’une dizaine d’acharnés courageux. Quelques uns produisent encore des veaux sous la mère (et pas la mer) : rendons-leur grâce !

En revanche, plusieurs de nos jeunes se sont tournés vers la volaille et travaillent de plus en plus vers des produits labellisés.

Le village est toujours très beau, bocage ou pas. Et ne pensez surtout pas que nous sommes chauvins !